Deux France qui ne sont pas d'accord ...

Philippe Brindet - 29 Janvier 2021

C'était aujourd'hui dans Le Monde [1] :

Arnaud Montebourg veut parler « aux deux France qui ne sont pas d’accord »

L’ancien ministre, qui regarde vers la présidentielle de 2022, veut dépasser le seul cadre de la gauche pour s’adresser à l’ensemble des classes populaires.

Je n'irai pas plus loin dans l'article de Mme Zappi. Mais sur la citation du début de son article, je voudrais faire ces observations :

  1. La lecture démocratique des élections démocratiques déçoit ...

    La théorie politique est souvent réductrice. L'observation des deux France l'est tout autant.

    Dans une élection démocratique, la plupart du temps, est mise en oeuvre l'idée de base de la démocratie élective. La majorité a juridiquement raison et la minorité doit disparaître dans une opposition surveillée par le pouvoir. La "France qui n'est pas d'accord" a juridiquement tort [2] et elle est surveillée par la police du pouvoir. C'est aussi simple que celà.

    Le seul problème, c'est que la théorie démocratique de la soumission de la minorité politique à la majorité qui prend tout le pouvoir n'a jamais été mise en pratique. Sauf dans les dictatures qui ne se distinguent des majorités démocratiques que par un abus plus prononcé de la police pour asservir la minorité. Adolf Hitler est parvenu au pouvoir parce que le peuple souverain de la démocratie allemande lui a donné la majorité. Ensuite, il n'a fait que réduire au silence la minorité. Cela énerve, cela fait enrager les puristes de la démocratie. Ce sont les faits.

    Quand on les résume un peu vite. Mais, c'est pour de la théorie ...

    Dans la démocratie, quelque soit sa ... nuance, la minorité et la majorité ne sont jamais d'accord. D'autant que, si la minorité se réfugie dans l'opposition à laquelle la condamne la majorité électorale, la majorité s'identifie au pouvoir. Et le dévoiement se situe à ce moment. La plupart du temps, une fraction plus ou moins importante de la majorité électorale découvre qu'en réalité elle est de l'opposition, souvent à cause du fait que la majorité s'est constituée sur des compromis plus ou moins explicites. Et la plupart du temps, une fraction plus ou moins grande de la minorité électorale découvre que son goût du pouvoir l'attire inexorablement dans les rangs de la majorité. D'où les Philippe, Le Maire et Darmanin ...

    La "théorie de la démocratie" devient un peu plus complexe. Mais la complexification ne permet pas de comprendre pourquoi l'antagonisme entre la majorité et la minorité, même recomposées, perdure.


  2. La ruine de l'opposition droite-gauche pour les futures élections est déjà du passé ...

    L'opposition droite-gauche, jusque dans les années 90, était portée par l'existence de partis politiques, présents à l'Assemblée nationale, et participant à la campagne électorale pour les principaux scrutins de la vie de la République française. La chose était à peu près la même dans les autres Etats de l'Occident qui, guidés par les Etats-Unis, s'étaient affilié au régime libéral. Que l'on soit républician ou socialiste, on était libéral, droite dans le premier cas, gauche dans le second.

    Malheureusement pour la tradition, les partis se sont littéralement effondrés. Il en existe encore, mais ils n'ont plus ni de personnalités ayant une vision politique, ni de militants capables de soutenir une quelconque vision politique. Les derniers militants qui existent sont juste capables d'exiger qu'"on" interdise au voisin du bout de la rue de venir déposer ses bidons de vidange de voiture sur le trottoir. Ce qui vous en conviendrez est une absence de l'esprit citoyen ...

    Mais même cet état "ruiné" n'est plus qu'un souvenir. Aujourd'hui, les gens sont fédérés par les réseaux sociaux et des mouvements de masse virtuels. Lorsque ces réseaux sont convenablement contrôlés - et ils le sont - il n'existe aucune animation politique à ces mouvements de masse virtuels. Dans la crise de la Covid, tout le monde est pour le confinement et la vaccination, parce que les réseaux sociaux le disent. On est d'accord avec l'indemnisation du chômage partiel, parce que les réseaux sociaux le sont aussi. On est d'accord pour ne pas partir en vacances au soleil parce que les réseaux sociaux le disent.On garde ses enfants chez soi parce que les ....

    Arrêtons ici le spectacle de la politique entièrement contrôlée avant même toute élection. On verra seulement ici combien la vieille opposition droite-gauche a tout simplement disparue. Et avec elle une quelconque expression du débat politique. Tout simplement, il n'y a plus de lieux d'expression de cette liberté politique. Même le Parlement a été fermé. Il ne rassemble plus que quelques centaines d'individus qui se comportent à peu près comme des protozoaires dans un bouillon de culture. S'il fait chaud, ils s'agitent vaguement ... Il existe seulement des mouvements virtuels contrôlés les réseaux sociaux, des mouvements qui sont amplifiés s'ils sont conformes à la norme sociale et qui sont censurés s'ils ne le sont pas.


  3. Les deux France n'existent plus ...

    Or, le mécontentement existe. Le fait qu'on ne lui laisse pas d'expression, qu'on le censure sur les réseaux sociaux ou dans la presse lourde, ce mécontentement existe et même la colère gronde sourdement. Mais, il ne passe plus par les partis, même extrêmistes, il ne passe plus par les manifestations ou les grèves - il n'y en a pratiquement plus, sauf quelques processions tenus par de rares "intégristes" de la mémoire des années 1970. Il ne passe plus par le spartis et les hommes politiques.

    Considérez un instant les élections présidentielles US. Trump est remplacé par Biden. Si vous renoncez à rester fixé sur les vieux trucs que sont les accords de Paris, ou le principe d'égalité des sexes et non, vous constatez que le changement d'homme politique ne change presque rien : l'Administration reste.

    Chez nous, en France, les hommes politiques sont directement issus de la caste administrative : Macron est un Inspecteur des Finances, Philippe est un ancien Président du Conseil d'Etat, Castex un ancien Directeur de la Santé, ancien Préfet, ... Votez pour qui vous voulez,. Il ne se présentera qu'un homme de l'Administration et s'il n'en est pas, il devra demander l'investiture de l'Administration.

    Nos démocraties, pour autant qu'elles le soient resté, ne sont plus politiques, mais administratives.

    Il n'y a plus de citoyens, mais des assujettis ou des administrés.

    Les hommes politiques sont seulement là pour célébrer - de moins en moins - la fiction d'un gouvernement politique.

    Mais, il y a un fait nouveau.

    Dans les années 80, des individus particulièrement doués ont acquis des fortunes dont le montant correspond à peu près à la richesse nationale d'un Etat bien doté. Souvent d'ailleurs, cette fortune n'est pas bien mesurée par l'évaluation monétaire qu'on en donne. Bill Gates est beaucoup plus fortuné que les 185 milliards de dollars dont les spécialistes le créditent. Il est riche des alliances improbables qu'il a tissé depuis longtempts. Par exemple avec l'OMS ... Georges Soros pèse bien plus les 50 milliards de dollars dont on le crédite, lui qui peu compter sur un réseau mondial de juges à sa solde jusque à la Cour Europenne de Justice, réseau qu'il complète avec un réseau d'ONGs capables de fomenter des troubles considérables dans n'importe quel pays qu'il décidera ...

    Comment sont-ils parvenus à devenir indépendant des Etats politiques ?

    Essentiellement par la corruption. Une corruption extrêmement subtile et si étendue qu'elle ne se distingue pas d'actes licites, ou très peu et avec un bien mauvaise grâce ...

    Ces hommes par le biais d'ONGs, d'alliances étranges avec les entreprises d'Etat, avec les organisations internationales comme L'ONU, l'UNESCO, mais aussi l'OTAN ou l'Ocde, ont tissés des liens avec les administrations qui traitent maintenant habituellement avec eux.

    D'une certaine façon, ils se comportent comme des féodaux qui se taillent eux-mêmes leurs duchés ou leurs principautés. Les adminsitrations d'Etat sont de plus en plus dépendants d'eux. Par exemple, en santé publique, de nombreux Etats doivent compter sur les actions de la Fondation Bille et Melinda Gates, par exemple avec GAVI. Il suffirait que le gouvernement, s'empare de leurs richesses pour qu'ils perdent leur pouvoir. Mais, 'Etat ne peut plus le faire. Ils ne sont même plus couins du roi de France ! ... Il n'y a plus de roi de France et aucun d'eux ne s'est jamais reconnu comme cousin du peuple de France souverain croit-il.


  4. Le problème de Montebourg

    Mme Zappi dit de lui qu'il veut parler aux deux France ... Je ne sais pas à qui peut-il bien s'adresser : aux serfs de Facebook, ou à ceux de Twitter ? A ceux qui sont éjectés des réseaux sociaux ? Les classes populaires dit-elle ?

    De qui se moque-t'on ! 50% des français disposent d'un revenu inférieur au minimum permettant d'assurer les dépenses obligatoires. Peut être 20% disposent d'un revenu permettant de vivre une honête médiocrité et bien peu peuvent soutenir financièrement ou auytrement leurs proches. Quant à ceux qui possèdent des biens fonciers, ils sont grevés d'impôts, de taxes et de contraintes sans nombre. Des classes populaires ? Il n'y en a plus. Il ne reste plus qu'un Tiers-Etat à demi misérable face à un clergé d'Etat et une noblesse de fortune, ces deux dernières classes étant pourries de privilèges et de corruptions.

    Serait-ce ces deux "France" là que Montebourg - ou un autre compte "mettre d'accord" le temps d'une élection présidentielle ?





Notes

[1] Sylvia Zappi, "Arnaud Montebourg veut parler « aux deux France qui ne sont pas d’accord »", Le Monde 29 Janvier 2021.

[2] C'est la fameuse réplique du Sénateur Laignel qui laissa sans voix le professeur de droit qu'était Jean Foyer, membre de l'opposition ...





Revue C-Politix (c) 29 janvier 2021